Janie Bugnion

Janie Bugnion


Livre publié: La justice en question? Expérience d'une médiatrice, par Janie Bugnion (2ème édition - 2015)

Après avoir été déléguée du Comité international de la Croix-Rouge au Pakistan, puis au Bangladesh, Janie Bugnion a enseigné le français et l’informatique dans l’enseignement secondaire public genevois. Titulaire d’un diplôme universitaire en médiation obtenu à l’Institut universitaire Kurt Bösch à Sion, elle a suivi également une formation à la pratique de la médiation au Centre de médiation et de formation à la médiation (Cmfm) à Paris. Assermentée en tant que médiatrice pénale et civile à Genève, elle exerce cette activité au sein de diverses associations de médiation, dans des cas de litiges transfrontaliers entre particuliers et dans l’organisation judiciaire genevoise en qualité de médiatrice pénale pour les mineurs. Elle pratique également cette activité auprès du Cmfm, association à qui le Parquet du Tribunal de Grande Instance de Paris confie des missions de médiation.. 


Prochain événement organisé par Janie Bugnion: 

La FGeM et l'ANM,
en partenariat avec la HETS,
vous invitent au grand débat :

La médiation pénale et la justice restaurative :
regards croisés de deux procureurs généraux

Nous vous accueillerons avec plaisir le je 28 nov. 2019 dès 18h15

à l'aula de la Haute école de travail social de Genève

rue du Pré-Jérôme 16, 1205 Genève

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Vidéo d’intervention de Janie Bugnion Café Scientifique - justice restaurative


 

Fiche de lecture sur l’ouvrage de Janie Bugnion

 

LA JUSTICE EN QUESTION ? EXPERIENCE D’UNE MEDIATRICE 

Dépôt légal : Paris, 2ème trimestre 2015 ; Buenos Books International, 2ème édition

Fiche de lecture rédigée par Audrey Sonnenberg, en mai 2016, dans le cadre de son DU 2 de médiateur de l’Institut de Formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE).

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Audrey Sonnenberg  - est Avocate au Barreau de Paris et médiatrice. Elle est membre de l’Association des Médiateurs Européens (AME) et titulaire du titre RNCP de Consultant en Communication de crise et médiation.



1.    Données significatives sur Janie Bugnion

Janie Bugnion a été déléguée du Comité international de la Croix-Rouge au Pakistan puis au Bengladesh et a fait carrière dans l’enseignement secondaire public genevois.

Elle est titulaire d’un diplôme universitaire en médiation obtenu en Suisse. Elle est assermentée en tant que médiatrice pénale et civile à Genève.

Janie Bugnion intervient désormais dans l’organisation judiciaire genevoise en qualité de médiatrice pénale pour mineurs et exerce par ailleurs son activité au sein de diverses associations de médiation dans le cadre de litiges transfrontaliers entre particuliers.

Elle s’est aussi formée à la médiation humaniste au Cmfm sous l’égide de Jacqueline Morineau et exerce au sein de cette association son activité de médiatrice pénale. En 2010, elle publie un ouvrage sur ses expériences dans des HLM/HBM genevoises : Un exemple d’ingénierie de la médiation. Les médiateurs des Libellules.

 

2.    Données significatives sur l’ouvrage

Tour à tour chercheuse, médiatrice – observatrice ou actrice, et auteur, Janie Bugnion, nous livre un ouvrage d’une infinie richesse de par ses nombreuses expériences sur le terrain et sa parfaite maîtrise des différents modèles de médiation.

Fortement marquée par l’empreinte de la médiation humaniste élaborée par Jacqueline Morineau, elle met l’accent sur les bienfaits des modèles de médiation orientée vers la restauration des relations qu’elle oppose aux modèles de médiation orientée vers la résolution des problèmes. Empruntant des concepts à la philosophie, l’anthropologie, la sociologie, la psychologie, la linguistique et au droit, elle décrypte et éclaire sous un jour nouveau le processus de médiation et plus précisément le modèle de la médiation humaniste ainsi que le rôle fondamental du médiateur dans le processus. Allant plus loin qu’un simple retour d’expérience, à travers l’étude du processus de médiation, grâce à des jeux de miroirs, d’ombres et de lumières, Janie Bugnion entraîne très habilement le lecteur dans sa « quête d’humanisation » et le pousse à s’interroger sur ses véritables attentes de médiateur en devenir ou de médiateur confirmé en le faisant cheminer vers une meilleure connaissance de lui-même. Cet ouvrage, dans sa seconde édition, s’est enrichi de quatre annexes.

3.    Données significatives sur le contexte intellectuel, social et historique

Cet ouvrage se situe dans un contexte social en proie à la perte des repères traditionnels d’ordre religieux et/ou culturel. Les figures emblématiques de référence telles que le père de famille, l’instituteur, le curé, le pasteur et le maire, entre autres, ont perdu leur force symbolique et régulatrice des rapports sociaux. Pourtant, ces figures servaient de repère identitaire et de base à l’éducation des enfants. Elles avaient donc une fonction à la fois structurante, rassurante et garante de paix sociale en tant que gage de valeurs partagées par la communauté. Sans être réellement remplacées, ces dernières années ont vu naître d’autres figures dans le paysage social sous la forme de travailleurs sociaux, de conseillers en tous genres et autre coaches qui ne remplissent non seulement pas la fonction de cohésion sociale attendue et ne permettent aucunement une identification mais encore sont davantage perçues comme des entités contraignant l’individu à se conformer aux normes édictées par le groupe social dominant faisant de lui un être assisté, ce qui est souvent très mal vécu. Cet ouvrage se situe également dans le contexte bien particulier de la période postérieure à l’attentat du 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo. (cf p.172, note 218).

4.    Plan de l’ouvrage

1.  Du regard à l’action : expérience d’une médiatrice

2.  Modèles de médiation

3.  Le regard de la médiatrice

4.  L’action de la médiatrice

5.    Thèses majeurs et concepts nouveaux

Pour Janie Bugnion, la Justice ne répond pas toujours aux attentes de l’individu. En conséquence, la médiation doit être une source d’humanisation et un facteur de rétablissement de la paix sociale. Elle présente la rencontre de médiation comme un rituel nécessairement très encadré en mettant l’accent sur « l’éthique reconstructive de la reconnaissance » préalable obligatoire à la mise en œuvre d’une « éthique procédurale de discussion » développée par Jürgen Habermas, constitutive d’une réponse aux douleurs engendrées par le conflit.

Dans la première phase de la médiation, la médiatrice est observatrice en prenant la distance indispensable à une écoute de qualité. Puis, elle devient actrice en intervenant dans les échanges entre les médiants pour les aider à mettre en œuvre une expérience langagière et culturelle qui pourrait être interprétée comme un texte et inciter les médiants à réinscrire ce texte dans de nouveaux contextes contribuant ainsi à une transformation sociale, gage de paix sociale. Selon elle, le concept de transitionnalité permet d’appréhender l’action du médiateur dont le rôle est de créer un espace intermédiaire neutre, qualifié de sacré par Donald Woods Winnicott, à la temporalité qui lui est propre, permettant de faire cheminer les individus, à travers un rituel de passage dont il est le guide, allant de la phase initiale chaotique et conflictuelle vers une phase créatrice de nouvelles relations et de reconnaissance de « pluralités des lieux, des discours et des visions du monde ». Le cadre, garant de la stabilité de cet espace intermédiaire, est un outil de conduite du processus ritualisé qui permet au médiateur d’occuper les fonctions d’étayage, de contenance et de relais de communication et contraint le médiateur à réguler sa propre action en conservant la distance nécessaire. Dans ce processus, la nature ambivalente du conflit constitue un objet transitionnel. En cas de réussite de la médiation, l’individu change le regard qu’il se porte et qu’il porte sur l’autre et passe du statut d’objet à celui de sujet.

Dans son étude, Janie Bugnion innove en examinant le processus structuré de la rencontre de médiation sous l’angle du concept de la boîte noire emprunté au système cybernétique développé par Norbert Wiener. Elle y apporte sa touche personnelle en entrant dans la boîte noire pour examiner les transformations qui s’y opèrent. Elle innove également en utilisant le « kaléidoscope de l’expérience » de Daniel Stoecklin dans la rencontre de médiation à la fois comme outil et comme concept, lui donnant ainsi la place d’un substitut ou d’une réinterprétation de la roue de Futiak.

6.    Nouvelle définition originale et intéressante

Janie Bugnion donne un nouveau sens au mot tiers. Partant de la distinction de tiers opérée par Elisabeth Volckrick à savoir tiers empirique, tiers généralisé et tiers réflexif, elle considère que le médiateur active le tiers généralisé en posant le cadre du processus de médiation, met en œuvre le tiers réflexif dans la phase de la tragédie grecque et dans la phase de construction des accords et active, par le « Kaléidoscope de l’expérience », une quatrième forme de tiers qu’est le tiers symbolique. En outre, Janie Bugnion, définit notamment la médiation comme étant le passage du « je » et du « tu » vers le « nous », le « on » étant le lieu du conflit et le « elle » la médiatrice, tiers.


7.    Citations ayant attiré l’attention du rédacteur de la fiche de lecture

-     « Le titre de ce chapitre : Du regard à l’action, expérience d’une médiatrice résume mon objectif : rassembler les fragments épars de mon vécu, ceux de l’observatrice et ceux de l’actrice, et les organiser en expérience pour ma conscience. » (p.13, 1er §, deuxième phrase) ;

-     « Dans mon approche, ce concept suppose une boîte noire, des entrées, des sorties et une fonction de transformation qui rétroagit sur les entrées. Il présente donc des similitudes avec un système cybernétique. » (p.34, dernière phrase et  p.35, 1er §) ;

-     « La rencontre de médiation est un rituel de passage, qui correspond à une transitionnalité, c’est-à-dire à une rupture qui intervient dans la continuité entre un avant et un après. » (p.39, dernier §) ;

-     «  Le conflit est constitutif de la construction de l’unité individuelle et de celle de l’unité sociale. Il est essentiel au processus d’individualisation, par lequel le sujet acquiert son identité, et au processus de socialisation par lequel se constitue le groupe social. » (p.61, 2ème §, 4ème phrase après la citation de Georg Simmel et p.184, 1ère phrase) ;

-     « La médiatrice va l’aider dans cette tâche en transformant le conflit en objet transitionnel destiné à favoriser la mise en œuvre d’un processus de transformation dans l’espace intermédiaire de la médiation, qui va l’accueillir. » (p.82, 2ème §, 5ème phrase) ;

-     « Il ne s’agit pas d’une action individuelle, mais d’une action collective et c’est à ce titre-là que la médiation pourra avoir une fonction de régulation sociale et […] favoriser l’émergence d’un nouveau projet de société. » (p.87, dernière phrase) ;

-     « Dans cette phase, ce qui est requis de la médiatrice, c’est le savoir-être et non le savoir-faire. » (p.92, 2ème §,1ère phrase) ;

-     « C’est la catharsis qui va permettre aux médiants de retrouver le paradis perdu ou d’accéder à la terre promise. » (p.97, 1er §, dernière phrase) ;

-     « Dans la mesure où les acteurs auront pu intérioriser l’éthique procédurale de la discussion […], ils seront naturellement disposés à la pratiquer dans les situations relationnelles difficiles auxquelles ils seront confrontés à l’avenir. » (p.122, 1er §, 1ère phrase) ;

-     « Elle est à la fois même et autre, celle dans laquelle ceux-ci se reconnaissent assez pour l’investir de leurs transferts ou de leurs projections, mais celle qui se distingue suffisamment d’eux pour maintenir la distance. » (p.122, dernier §, dernière phrase) ;

-     « La médiation n’a pas pour objectif de gérer le conflit, mais elle vise à libérer la capacité de résilience enfouie au cœur de chaque être humain, en réinstaurant ces rituels, transposés dans un univers symbolique. » (p.135 dernière phrase et début p.136) ;

-     « Le lieu du conflit est celui du ‘on’, celui de l’indétermination, de la confusion, de l’enfermement, de la pesanteur, de l’opacité, de l’horreur, de l’anéantissement. » (p.157, avant dernière phrase) ;

-     « Dans la crisis, la médiatrice utilise la vertu maïeutique des miroirs, qui vont lui servir d’outil médiateur entre le vécu et la pleine compréhension de ce vécu par les parties elles-mêmes. » (p.162, 1ère phrase) ;

-     « Tel est donc le projet où s’engagent mutuellement les parties à travers l’accord élaboré en commun : permettre à l’autre, comme à soi-même, de devenir qui il est, dans le monde que tous deux ont choisi de construire ensemble désormais. » (p.165 et 166, dernière phrase).


8.    Réflexions sur l’une des citations

« Dans la crisis, la médiatrice utilise la vertu maïeutique des miroirs,

qui vont lui servir d’outil médiateur entre le vécu et la pleine compréhension de ce vécu par les parties elles-mêmes. » (p.162, 1er §)

«Dans la philosophie socratique, la maïeutique est l’art d’accoucher les esprits, c’est-à-dire de faire découvrir à l’interlocuteur les vérités qu’il porte en lui, après que, par une série de questions, il a été délivré de l’erreur. » (Larrousse du XXème siècle, Tome IV, dépôt légal 1931). Si le médiant n’a pas, à proprement parler, à être délivré de l’erreur car cela reviendrait à devoir s’interroger sur la notion même d’erreur, il est incontestable que la médiation a pour objet d’aider les médiants à découvrir les vérités qu’ils portent en eux ou le cas échéant ce qu’ils tiennent pour telles.

 

Pour que les vérités telles que perçues par chacun voient le jour, Janie Bugnion préconise l’usage de miroirs. Les miroirs tendus par le médiateur permettent aux médiants de mettre en lumière les non-dits, de mesurer la portée de leurs mots et de les confronter à leur propre souffrance afin qu’une reconnaissance réciproque s’installent et que le vécu soit identifié en tant que tel. Ces miroirs permettent de faire prendre conscience à l’individu de la vision que le « je » porte, à tort ou à raison, sur lui-même, sur l’autre, le « tu », et sur la situation de conflit dans laquelle ils se trouvent. C’est par le jeu des silences, du questionnement et de la reformulation - ne parle-t-on pas de reformulation miroir ? - que le médiateur fait traverser à l’individu la phase de la crisis, comme autant de promenades dans le miroir tendu et dans celui de l’autre.

Dans ce contexte, la tentation est grande pour le médiateur d’orienter, sans limite, le miroir tendu pour donner un éclairage nouveau et diriger le regard. La difficulté réside alors dans sa capacité à aider les médiants à prendre conscience de leurs réalité, vérité et vécu, de leurs interactions avec l’autre, pour les replacer dans leurs histoires personnelles et dans un contexte plus général, sans pour autant influencer, au-delà de sa neutralité, l’individu sur le regard qu’il porte sur lui-même et sur l’autre.

Mais, pour pouvoir présenter utilement le miroir aux médiants et partir à leur rencontre, encore faut-il s’être présenté préalablement le miroir à soi-même et avoir compris et accepté l’image qu’il renvoie. Cela implique d’avoir effectué un travail sur soi afin d’éviter de transposer ses peurs, son passé, ses jugements et pour simplement accueillir ce que les individus ont besoin de déposer. Le premier impératif que nous fixe Socrate n’est-il pas « Connais-toi toi-même » ? Le médiateur se doit donc de se placer dans un contexte de questionnement sur lui permanent, ce questionnement ne prenant toutefois tout son sens qu’à la lumière de l’autre, celui-ci évoluant en permanence par les questions et les miroirs tendus aux individus et l’interprétation du reflet qu’ils y trouvent ou les réponses qu’ils y apportent. Le médiateur ne doit toutefois pas s’y perdre. Il doit tout au contraire être dans l’empathie et non la sympathie et activer ces fameux neurones miroirs qui permettraient une meilleure appréhension de l’autre et de son comportement pour devenir ultimement un canal de transmission ou bien, comme le suggère Janie Bugnion, lui-même, le miroir tendu aux parties.

La vertu maïeutique du miroir permettrait en définitive d’instaurer un autre forme de « juste distance », concept cher à Paul Ricoeur, celle de la distance entre le médiateur et les médiants afin d’éviter au premier de se perdre dans la médiation des seconds parce qu’après tout, « le médiateur est soluble dans la solution » (François Savigny) et que cette juste distance permettra précisément aux médiants de se rencontrer.

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